Le Journal de Montréal

Le mal de vivre illustré tendrement

Après Le père, pour lequel Florian Zeller a remporté l’Oscar du meilleur scénario adapté et Anthony Hopkins, celui du meilleur acteur, le cinéaste et dramaturge revient avec Le fils.

ISABELLE HONTEBEYRIE

Le sujet est grave. Nicholas (Zen McGrath) ne va pas bien. L’adolescent est en pleine dépression et ne va plus à l’école depuis plusieurs mois. Désespérée, sa mère Kate (Laura Dern) accède à sa demande d’aller vivre chez Peter (Hugh Jackman), son père, remarié à Beth (Vanessa Kirby) et tous deux parents d’un bébé. Mais l’adolescent ne va pas mieux…

La santé mentale des jeunes est au coeur de ce long métrage et Florian Zeller n’a pas succombé à la tentation de donner des réponses lors de l’adaptation de sa pièce, coécrite avec Christopher Hampton.

« Je tenais énormément à ne pas donner d’explication simpliste, a indiqué le réalisateur lors d’une entrevue avec l’Agence QMI. Pourquoi un être, à un moment, est-il en souffrance ? Les personnages évoquent le divorce des parents, bien sûr, il y a sans doute des raisons traumatiques et psychologiques, mais dans la réalité, la souffrance est un grand mystère. On connaît tous des gens qui, sur le papier, auraient tout pour être heureux et qui, pourtant, sont en grande difficulté. Il y a quelque chose qui n’est pas facile à comprendre ou à résumer à une seule dimension. »

Le mal de vivre est difficilement explicable.

« Il y a une dimension psychologique, bien sûr, mais aussi une dimension biochimique et parfois purement chimique. On ne sait pas forcément pourquoi, parfois, on n’a plus envie de vivre. Et je voulais justement regarder en face ce mystère, ce trou noir, et tout ce que ça déstabilise dans un écosystème familial. »

« L’histoire est surtout racontée du point de vue des parents, qui sont des parents aimants, qui sont des parents attentifs, qui tentent, même s’ils n’ont pas toujours les bonnes clés, d’ouvrir les portes et qui sont animés des meilleures intentions », a-t-il précisé.

ÉVITER LE PIRE

Rappelant qu’en France, un tiers des jeunes ont des problèmes de santé mentale et que ce chiffre alarmant est sans doute le même dans d’autres pays incluant le Québec, Florian Zeller ne laisse aucun doute sur ses convictions.

« Quand il s’agit de santé physique, les choses sont beaucoup plus simples. Quand quelqu’un nous annonce qu’il a un cancer, on lui dit qu’on est là pour lui et on ne se sent pas mal de ne pas savoir comment réagir, de ne pas savoir comment ça fonctionne. On ne se demande pas ce qu’on a fait pour que cette maladie apparaisse. Dès lors qu’il s’agit de la santé mentale, les pensées de culpabilité et de responsabilité nous brouillent la vue. »

Selon l’auteur et réalisateur, la tragédie peut être évitée. « Dans ce cas particulier, la tragédie aurait pu être évitée. Elle aurait pu être évitée si les bons mots avaient été employés, si une conversation avait été engagée. Je crois que c’est ce qu’il y a d’urgent et de nécessaire. J’ai toujours été frappé par l’ignorance, par la culpabilité, par la honte concernant les sujets de santé mentale. »

« Je crois qu’il est fondamental qu’on se sente à l’aise d’avoir toutes ces conversations-là, qu’on se sente à l’aise d’aborder frontalement, sans détourner les yeux, cette souffrance pour tenter d’aider des gens qui sont en difficulté sans avoir honte. Dans Le fils, c’est un père qui, malgré toutes ses bonnes intentions, n’arrive pas à admettre qu’il n’est pas équipé pour gérer cette situation et qui ne parvient pas à demander de l’aide, qui ne parvient pas à entendre les médecins parce qu’il a l’impression qu’il doit, en tant que parent, trouver les solutions. »

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2023-01-21T08:00:00.0000000Z

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