Le Journal de Montréal

En mission avec les jeunes pour

Un agent du SPVM a cofondé un programme pour changer le visage des forces de l’ordre au Québec

DAPHNÉE HACKER-B. Agence QMI

Les critères d’admission pour entrer dans la police sont exigeants et les places sont limitées. Il s’agit là de la première barrière à laquelle se butent les candidats racisés et issus de secteurs défavorisés, estime un policier qui a cofondé un programme pour aider les jeunes de la diversité à surmonter cet obstacle.

Les images de l’Afro-Américain George Floyd, maintenu menotté, un genou sur la nuque, par le policier blanc Derek Chauvin en mai 2020, habitent encore le sergent Yves Expérience, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

« C’est impossible de ne pas être affecté par cette violence, de ne pas avoir envie de changer les choses », explique le policier qui, jusqu’à tout récemment, était basé au poste de quartier 30, à Saint-Michel.

Les manifestations du mouvement Black Lives Matter qui ont suivi la mort tragique de George Floyd ont aussi bouleversé le leader communautaire Paul Evra, qui côtoie régulièrement Yves Expérience.

Au coeur de l’été 2020, les deux hommes se sont demandé comment changer les choses dans leur communauté.

Ils songeaient aux jeunes, à une façon de les encourager à devenir policiers.

DES POLICIERS SOUVENT BLANCS

Il faut dire qu’après 18 ans au SPVM, Yves Expérience a pu voir à quel point les agents issus de la diversité ou natifs des quartiers où ils patrouillaient tissaient facilement des liens avec leur communauté.

« Quand les policiers comprennent la dynamique locale, les gens ont moins peur, ça diminue les tensions durant les interventions », assure-t-il.

Pourquoi alors y a-t-il encore si peu de policiers issus de la diversité ?

« Une partie de la réponse se trouve dans les lieux de formation. On constate que la majorité des gens qui en sortent sont des Blancs », répond Paul Evra, directeur général du Centre Lasallien, un lieu qui offre une variété d’activités parascolaires aux jeunes de Saint-Michel.

Selon les données de l’École nationale de police du Québec, seules 58 des 854 personnes admises l’an dernier à la formation en patrouille-gendarmerie se sont identifiées comme issues d’une minorité visible ou ethnique.

« Face à ce constat, l’idée de créer le programme parascolaire Métiers d’urgence est née, afin d’aider les jeunes à atteindre les exigences collégiales pour être admis dans les formations de policiers, de pompiers et de paramédics », indique Paul Evra.

SECONDAIRES 3, 4 ET 5

Le programme a ainsi débuté en septembre dernier avec un groupe formé de 17 élèves de secondaires 3, 4 et 5.

Les jeunes, issus pour la majorité de famille d’immigrants, sont soutenus par des services gratuits d’alimentation, d’aide aux devoirs, d’entraînement physique et d’activités de mentorat, notamment avec des policiers.

Le programme n’a pas réussi à recevoir de financement et le Centre communautaire Lasallien éponge tous les coûts, se désole M. Evra.

CRITÈRES D’ADMISSION À REVOIR ?

La formation technique collégiale des aspirants policiers est offerte par 13 cégeps, chacun établissant ses critères d’admission.

Mais puisqu’il s’agit d’un programme populaire et contingenté, la majorité d’entre eux sélectionnent les candidats selon l’excellence de leur dossier scolaire et leur performance aux tests physiques et de natation.

Souvent, seules quelques dizaines d’étudiants sont retenus alors que des centaines ont soumis leur candidature.

Résultat : les élèves sélectionnés proviennent généralement de milieux nantis.

Selon le porte-parole du programme de techniques policières à la Fédération des cégeps Éric Gagné, « certains tests sont trop exigeants » et la note occupe une place prépondérante.

« Mais elle ne devrait pas faire foi de tout, se défendil. On le reconnaît, il faut revoir les critères d’admission, l’exercice est d’ailleurs en cours. »

REPENSER LES CRITÈRES DE SÉLECTION

M. Gagné explique qu’un groupe de travail auquel siègent notamment le ministère de la Sécurité publique, les corps de police et les cégeps a été formé pour repenser les critères de sélection.

D’ici à ce que le rapport émerge, au cours de l’année, il encourage les personnes issues de la diversité à afficher clairement leur identité lors de la candidature au collégial.

« Vous serez favorisés, assure-t-il, puisque les DEC en techniques policières souffrent de sous-représentation en termes de diversité. »

À l’École nationale de police du Québec (ENPQ), par où il faut passer après le programme collégial pour travailler comme policier, le son de cloche est bien différent.

Même si les personnes s’identifient comme appartenant à une minorité visible ou ethnique, ça ne favorise pas leur admission, souligne la porte-parole Véronique Brunet.

« Ça pourrait être une option, mais elle n’est pas envisagée concrètement, pas pour l’instant du moins. »

RÉTICENCE DES PARENTS

Nombreux sont les parents qui refusent de voir leur enfant devenir policier ou encore pompier, se désole le sergent Yves Expérience.

« Il faut comprendre que dans de nombreux pays, être policier se résume à la corruption, à aider une dictature à rester au pouvoir, ce n’est pas un métier valorisé dans plusieurs cultures », explique celui qui a dernièrement été nommé sergent-superviseur à la division des partenariats et de la diversité de la police de Montréal, où il sera notamment responsable du recrutement.

Ce nouveau rôle n’empêchera pas Yves Expérience d’aller à la rencontre des jeunes et de leurs familles pour les convaincre qu’être policier c’est « un métier valable » où l’on peut « agir pour le bien commun ».

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