Le Journal de Montréal

Les séries campées avant internet

EMMANUELLE PLANTE Collaboration spéciale emmanuelle.plante@quebecormedia.com

En surfant sur les plateformes, Netflix en tête, on se rend bien compte que la nostalgie atteint des sommets. Outre, les reprises de vieilles séries, les adaptations, les retours et les séries dérivées de franchises marquantes pullulent. Les adolescents et les jeunes adultes y adhèrent. Pourtant, dans la plupart des cas, l’époque qu’on leur présente, ils ne l’ont pas vécue. Ils développent une nostalgie par procuration. Est-ce parce que c’était mieux avant ?

« Il y a un engouement pour les années 1980-1990, observe Katharina Niemeyer, professeure à l’École des médias de l’UQAM. L’ère avant 2.0. C’est une nostalgie analogique. Ces séries d’avant Internet, où les communications étaient moins accrues, permettent aux jeunes de voir comment faisaient leurs parents. Ils constatent qu’il y avait moins de stress de communication. Et oui, on peut être nostalgique d’une époque qu’on n’a pas vécue. Comme on peut l’être du futur d’ailleurs. » La génération Z entretient un fantasme de ce qu’était le monde d’avant et la télévision les sert bien.

La nostalgie est présente de plusieurs façons. D’abord dans des projets qui font revivre une époque. Stranger Things en est un excellent exemple. Nous sommes plongés dans les années 80, dans ses codes, sa mode, ses musiques. Tous les éléments sont réunis pour sentir ces années ou se les remémorer. Même chose pour Everything Sucks, campée dans les années 90. D’autres projets flirtent avec la nostalgie par leur esthétisme. Pensons à Riverdale, adaptation moderne des comics Archie. C’est aussi le cas de Sex Education. Les couleurs, les filtres, les looks, l’intemporalité rappellent le passé alors que les intrigues sont nettement contemporaines et que l’action se déroule aujourd’hui. Le créateur Ryan Murphy à qui l’on doit de nombreuses séries dont Glee, American Horror Story, Pose ou Ratched explore souvent ces deux approches.

DÉCOUVRIR DES SÉRIES MARQUANTES

Il n’est pas étonnant que les années 1980 et 1990 reviennent en force. C’est la jeunesse des adultes d’aujourd’hui qui ont eux-mêmes

des adolescents en âge de regarder les séries qui les ont marquées. Et nous y avons accès en un clic, sans avoir à nous déplacer pour louer une « cassette » ou un DVD au club du quartier. Revoir une série, c’est retrouver une sécurité, un confort, une familiarité. C’est renouer avec une façon de vivre du passé tout en étant ancré dans le présent. Friends s’inscrit dans cette catégorie. « Il y a une forme de reconstruction identitaire », note Katharina Niemeyer, qui s’intéresse depuis longtemps à la nostalgie dans les médias. Elle a d’ailleurs coédité et coécrit un ouvrage intitulé Nostalgie contemporaine. « Nous sommes dans la transgénération, poursuit-elle. »

The Office se démarque aussi. D’abord revenue sous les projecteurs grâce aux réseaux sociaux et ses mèmes, la série cartonne à nouveau 15 ans plus tard. C’est l’exemple parfait de la marchandisation de la nostalgie qui mise sur des expressions populaires, des personnages devenus mythiques.

RETROUVER NOS REPÈRES

Faire revivre des séries à succès plusieurs années plus tard est une recette gagnante qu’utilisent fréquemment les Américains. C’est coûteux, mais quand une émission vient avec des souvenirs, on peut penser que les cotes seront au rendez-vous.

« On peut revoir une bonne série plusieurs fois comme on le fait avec un film qu’on a aimé, affirme Nathalie Fabien, directrice principale, chaîne et programmation Groupe TVA. Ça n’a pas d’âge. » De nombreux reboot figurent à la programmation de Prise 2. Pensons à Fantasy Island, Lethal Weapon, Magnum P.I. ou McGyver.

Ce sont des émissions qui ramènent à l’écran des personnages aimés dans des moutures modernes avec des acteurs d’une nouvelle génération. Elles se hissent encore en tête de palmarès.

Bref, il y a plusieurs façons de remonter le temps, de se réapproprier des lieux communs, de découvrir ce qui a marqué la génération qui nous a précédés, d’embrasser une époque, de s’éduquer. Regarder ces séries nous divertit, nous réconforte, nous ramène à des sentiments positifs, alimente une discussion avec nos proches, provoque des échanges, nous donne accès à un esthétisme, mais nous confirme que rien n’était mieux avant. C’était juste un peu différent.

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2022-11-26T08:00:00.0000000Z

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