Le Journal de Montréal

LE FIL QUI NOUS TIENT

Nous sommes reliés par tant de gestes et de hasards qu’on peut faire le tour de la Terre juste à les suivre. En voici une époustouflante démonstration.

JOSÉE BOILEAU Collaboration spéciale

Les romans de Jean-Simon DesRochers regorgent de monde : des gens qui se côtoient sans se connaître comme les locataires d’un immeuble dans La canicule des pauvres, les victimes d’un carambolage dans Le sablier des solitudes, tout un quartier dans L’année noire.

L’entreprise chorale est chaque fois menée avec virtuosité.

Avec Le monde se repliera sur toi, DesRochers nous embarque dans un nouveau défi : ce monde, on en fera littéralement le tour ! Un mince fil, fait de rencontres fortuites, reliera une cinquantaine de personnages dispersés sur les continents. La Terre est soudain bien petite.

Surtout que le point de départ du récit en sera aussi le point d’arrivée. Ce point-là est un duo : Noémie et Clio, résidentes de Montréal.

Noémie est interprète, mère de Clio et épouse en instance de divorce depuis que le confinement est passé par là. Et en ce 24 septembre, le moral n’y est pas du tout. Ouvrir la radio n’aide pas : encore un attentat suicide, à Bonn cette fois.

Clio, 12 ans, ronchonne aussi. Elle fait porter à sa mère tout le poids de la séparation parentale, et à l’école, elle n’en peut plus du gentil William qui lui tourne autour.

William en est blessé et son enseignante va écoper – mais plus durement que la blague de départ ne le laissait prévoir. Cela mènera à… Paris, auprès d’une Caroline que la moto d’un Charles-Étienne évite de justesse.

Manuella a tout vu de la fenêtre de son café, petite brisure dans la routine. C’est son anniversaire, mais qui le sait, à part sa cousine qui lui envoie un GIF animé de Nouvelle-Zélande.

ET ÇA RECOMMENCE !

Nous voilà donc là-bas. Au rebond suivant, on traverse à Vancouver, puis ce sera Toronto avant de revenir à Montréal où Clio se réveille en sursaut. Elle « ignore que la chaîne d’événements l’ayant tirée de son sommeil a pris trois mois pour faire le tour de la planète avant de se replier sur elle ».

Trop facile ? DesRochers refait alors le parcours. Cette fois, Paris mènera à la Chine puis à l’Éthiopie, au Brésil, au Mexique, ou bien l’Inde et l’Ukraine…, et pourtant ça finira encore à Montréal. Et que découvret-on, de ricochet en ricochet ? La violence du monde : solitude, frustrations, vengeance ou quête d’amour en ligne, ravages écologiques, terrorisme.

Tout cela est vécu par des gens ancrés dans leur culture et qui, pourtant, ne déparent pas le fil commun tissé par DesRochers. Il donne même une telle consistance à ses personnages qu’on a l’impression de les connaître, alors que seules quelques pages leur sont consacrées. Une grande réussite.

Quand le monde finit de se replier sur Clio et Noémie, c’est Noël, jour cliché de l’espoir. Pourquoi pas : c’est aussi ce que nous avons en partage.

WEEKEND / LIVRES

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2022-11-26T08:00:00.0000000Z

2022-11-26T08:00:00.0000000Z

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