Le Journal de Montréal

Une cloche de la Nouvelle-France pourrait quitter le Québec

La signature d’un avis de classement par le ministre de la Culture pourrait protéger cette pièce unique du patrimoine

MATHIEU-ROBERT SAUVÉ Journaliste Le Journal de Montréal

Perdue, volée, vendue puis disparue pendant 30 ans, la plus vieille cloche de Montréal, datant de 1732, a été retrouvée à Rivière-du-Loup. Mais elle tarde à retrouver sa place à l’église de la Visitation et pourrait être vendue à l’étranger, car le gouvernement tarde à la protéger.

« C’est un trésor national qui a été miraculeusement retrouvé. Cette cloche a sonné en 1760 pour mobiliser les troupes contre Murray ; elle a retenti quand les Patriotes se sont soulevés en 1838. Perdre cette pièce unique de notre patrimoine serait impardonnable », lance Patrick Goulet, coordonnateur à l’entretien et aux services de la paroisse La Visitation.

Avec l’architecte à la retraite Jocelyn Duff, il a mis trois ans à retrouver la troisième plus vieille cloche d’Amérique du Nord (voir l’encadré). Elle a été acquise par le collectionneur Jean-Marie Bastille, de Rivière-du-Loup, aujourd’hui décédé.

La cloche de bronze et d’airain d’environ 30 pouces de hauteur qui pèse 200 livres se trouve dans la cour d’un musée extérieur aujourd’hui fermé, les « Carillons touristiques ».

RECEL, POLICE ET FAUSSE IDENTITÉ

Tous deux membres de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville, MM. Goulet et Duff ont multiplié les recherches à partir de 2019 pour retracer la cloche.

« C’est par l’intermédiaire de Facebook que j’ai appris que la cloche s’était retrouvée en Mauricie avant d’être acquise par un antiquaire de Québec », commente ce dernier.

Il a fallu l’intervention d’un agent de police pour confirmer que le bien avait été recelé, mais la loi prévoit que celui-ci appartient à l’acheteur après trois ans.

L’objet s’est donc retrouvé en toute légalité dans la cour de M. Bastille.

« Sauf que la cloche n’était pas bien identifiée. Elle était présentée comme provenant de la chapelle des Jésuites dans le Vieux-Montréal. C’est grâce à une inscription sur la cloche et des égratignures très précises que nous avons pu confirmer que c’était la bonne », explique le féru d’histoire.

Il ne restait plus qu’à la ramener dans son église, l’un des rares bâtiments montréalais datant de la période de la Nouvelle-France.

Ici, les choses se compliquent. Le propriétaire de la collection d’environ 500 cloches, Pierre-Luc Bastille, petit-fils du fondateur, refuse de la vendre séparément.

Joint par téléphone le 11 janvier, il a refusé de répondre à nos questions. « Pas de commentaires », a-t-il dit avant de raccrocher.

LE MINISTÈRE SE TRAÎNE LES PIEDS

Ancienne députée de la circonscription de Maurice-Richard et ancienne ministre libérale de la Culture et des Communications, Marie Montpetit a beaucoup fait pour « ramener la cloche dans son berceau », comme elle l’explique dans une vidéo de sa page Facebook au moment de lancer une pétition.

« Il est urgent de la classer au patrimoine national pour éviter qu’elle ne quitte le Québec. La valeur historique de cette cloche est inestimable pour Ahuntsic et le Québec » pouvait-on lire sur le texte de la pétition déposée à l’Assemblée nationale.

Elle s’est rendue à Rivière-du-Loup en octobre 2021 pour voir la cloche et discuter avec M. Bastille. Elle demeure convaincue que la cloche doit être protégée ; un geste que le nouveau ministre, Mathieu Lacombe, pourrait poser très rapidement. « Ça ne prend que la volonté politique », dit-elle.

Le député Québec solidaire de Maurice-Richard, Haroun Bouazzi, appuie entièrement la démarche de ses citoyens. « Nous avons fait parvenir une lettre au ministre, le 9 décembre, pour faire bouger les choses. Nous sommes impatients de voir la cloche revenir dans son église », dit-il au Journal.

HISTOIRE

fr-ca

2023-01-21T08:00:00.0000000Z

2023-01-21T08:00:00.0000000Z

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