Le Journal de Montréal

LES SUPER HÉROS se meurent-ils (au box-office) ?

ISABELLE HONTEBEYRIE

Le dernier Ant-Man n’a rapporté que 622,7 M$ US au box-office tandis que les prévisions nord-américaines pour le prochain Shazam ont été revues à la baisse avec 82 M$ US de revenus estimés au lieu des 115 millions attendus. Est-ce le début de la fin pour les justiciers masqués?

Souvenez-vous, c’était en 2008 : Robert Downey Jr. effectuait son grand retour sur les écrans dans le premier Iron Man dont le succès imprévu lançait l’Univers cinématographique de Marvel (UCM), soit les aventures de la pléthore actuelle de super héros et ses milliards de dollars en recettes dans les salles mondiales. En 15 ans, Kevin Feige, le patron de Marvel, est devenu un caïd tout-puissant qui fait la pluie et le beau temps, l’achat de Marvel par les studios de la souris pour la « modique » somme de 4 G$ US ayant été rentabilisé en quelques années.

Pendant 15 ans, l’engouement a été tel que tous les studios ont emboîté le pas. Warner Bros. a ressuscité Batman, les caméras de Christopher Nolan donnant à Gotham des airs d’apocalypse et renflouant au passage les coffres des studios à concurrence de… 2,46 G$ US, exploit jamais réédité depuis. Warner tente bien de trouver LA formule magique, les Superman avec Henry Cavill, les Ligue des justiciers et autres Wonder Woman ne parvenant malheureusement jamais à se hisser dans le club fort prisé des milliardaires au box-office (Aquaman est le seul à y être parvenu). Même les studios Universal – propriétaires des droits de L’incroyable Hulk –ont essayé de surfer sur la vague, il suffit de penser à Kick-Ass ,demêmeque Sony qui a tenté de décliner son Spider-Man en une franchise gagnante.

ÇA FATIGUE…

Marvel a conquis Hollywood à coups de milliards de budgets de production, d’embauches d’acteurs oscarisés – Cate Blanchett, Anthony Hopkins, Angelina Jolie, Brie Larson, etc. – de réalisateurs primés – Kenneth Branagh, Ryan Coogler – et les aventures des super héros ont pris une nouvelle forme dans le 7e art, née des angoisses existentielles suivant les attentats du 11 septembre 2001 et du passage au nouveau millénaire. Mais rapidement, la quantité a tué la qualité. Marvel a enchaîné les phases, sortant tout le monde des boules à mites des « comics » si populaires après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, Ant-Man et la Guêpe : Quantumania est le 31e film de l’UCM, les suites, préquels, nouvelles versions et séries télévisées se succédant à un rythme aussi métronomique qu’implacable… jusqu’à la pandémie.

Avec un arrêt aussi brutal que complet des salles de cinéma de 2020 à 2022, Disney s’est tourné vers sa plate-forme Disney+ et Warner vers HBO Max sans pour autant renouer avec les chiffres vertigineux d’avant la COVID. À tel point que Bob Iger, l’ancien patron de Disney qui a repris la barre de la multinationale parle de revoir la stratégie actuelle. « Avonsnous besoin d’un troisième, voire d’un quatrième film, ou le moment est-il venu de se concentrer sur d’autres personnages ? », a-t-il ainsi laissé tomber lors de la Morgan Stanley’s 2023 Technology Media and Telecom Conference au début du mois. Pour l’homme fort de Disney, le chemin à emprunter est clair : « Si l’on regarde la trajectoire de Marvel au cours des cinq prochaines années, on verra beaucoup de nouveautés. Nous allons revenir à la franchise des Avengers, mais avec une nouvelle équipe d’Avengers. »

Même Warner a élagué. Batgirl – le film est fini et a coûté plus de 90 M$ US – ne verra jamais le jour, le développement du prochain Wonder Woman a été arrêté, les séries télévisées comme Pennyworth n’ont pas été renouvelées et James Gunn, nouveau grand patron des justiciers masqués, planche actuellement sur des films qui raconteront la jeunesse de Superman. Oui, l’heure est au ménage, au recentrage et aux économies. Comme l’a si bien dit Seth Rogen, qu’on ne peut pas accuser de ne pas aimer les super héros, « ce sont des films pour les enfants. Je vais regarder l’un de ces films, en tant qu’adulte sans enfants, et je me dis : “Oh, ce n’est tout simplement pas pour moi.” »

« Malheureusement, nous avons désormais deux domaines distincts : le divertissement audiovisuel mondial et le cinéma, a ajouté Seth Rogen. Ils se chevauchent encore de temps en temps, mais cela devient de plus en plus rare. Et je crains que la domination financière de l’un ne soit utilisée pour marginaliser et même minimiser l’existence de l’autre. »

CINÉMA

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2023-03-18T07:00:00.0000000Z

2023-03-18T07:00:00.0000000Z

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