Le Journal de Montréal

DANS LE CARNET DE JAMES JACKSON Pourquoi la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande donn

JAMES JACKSON Historien et chroniqueur

Alors que nous célébrons la SaintPatrick au Québec, il est normal que nous portions notre attention sur la situation politique en Irlande. Après tout, les Irlandais constituent une grande part de nos aïeux et leur histoire est plus près de la nôtre que nous le pensons.

Depuis le référendum sur le Brexit en 2016, la partition de l’île de l’Irlande est de nouveau sous les feux de la rampe. Pour les Britanniques, la situation en est à s’arracher les cheveux de la tête.

CONTRÔLES DOUANIERS

En février dernier, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, annonçait que Londres et Bruxelles venaient de parvenir à un accord sur l’Irlande du Nord.

Pour mémoire, l’accord du Vendredi saint signé en 1998 avait aboli la frontière douanière entre les deux parties de la même île d’Irlande, soit la République d’Irlande, un État souverain, et l’Irlande du Nord, une nation constitutive du Royaume-Uni. Depuis le référendum sur le Brexit de 2016, donc, il n’existe plus de frontière dure entre la Communauté européenne et l’Irlande du Nord.

La situation était problématique. Comment gérer des contrôles douaniers post-Brexit avec l’Irlande du Nord sans réinstaller une frontière dure avec la République d’Irlande ?

Une fois de plus, les Britanniques se demandaient pourquoi l’Irlande du Nord, dont la population de 1,9 million d’habitants ne représente que 3 % de la population du RoyaumeUni, leur compliquait si souvent la vie.

La partition de l’île d’Irlande, en 1921, constituerait une première réponse à cette question. Mais la vraie raison, c’est le fait que l’Irlande a vécu sous la domination anglaise pendant sept siècles.

RELIGIONS, MONARCHIE ET COLONISATION

C’est un Anglais, le pape Adrien IV, qui a permis à Henri II de conquérir l’Irlande en 1171. Mais c’est l’avènement des Tudors sur le trône d’Angleterre à la fin du XVe siècle qui a changé le statut de l’Irlande.

Sous le règne d’Henri VIII, l’Angleterre est devenue un pays protestant, alors que la majorité des Irlandais restaient fidèles à Rome.

Pour mieux asseoir leur autorité en Irlande, les Tudors ont décidé de coloniser tout le pays au moyen d’un système de plantations. L’île fut le théâtre de spoliation systématique : les terres des Irlandais ont été confisquées au profit des colons venus d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles.

La plantation d’Ulster, située au nord de l’île, était la plus importante. Les nouveaux colons, principalement des Écossais et des Anglais, ont transformé la province et ont fait de Belfast une grande métropole industrielle.

À LA RECHERCHE D’UNE SOLUTION

Entre colons et colonisés, rien n’allait plus. Une agitation civile s’est propagée à toute l’île, menant parfois à des insurrections. À la fin du XVIIIe siècle, la situation avait dégénéré en violences généralisées entre catholiques et protestants. Ces derniers se sont défendus en fondant en 1795 l’Ordre orangiste. En 1798, la Grande Rébellion irlandaise a été brutalement réprimée par les Britanniques.

En 1800, le Parlement britannique, à la recherche d’une solution, intègre l’Irlande dans le Royaume-Uni par l’Acte d’Union. Le nouveau pays s’appelle désormais le RoyaumeUni de Grande-Bretagne et d’Irlande.

Les Irlandais étaient divisés dès lors entre nationalistes et unionistes, dont le combat s’est poursuivi pendant 120 années à Westminster. L’objectif principal des deux leaders nationalistes, Daniel O’Connell et Charles Stewart Parnell, était le Home Rule : l’autonomie interne de l’Irlande. Mais les unionistes avaient l’appui du Parlement.

LE CONFLIT DÉGÉNÈRE

Majoritaires en Ulster, les protestants irlandais n’avaient aucune envie de se retrouver minoritaires dans un pays dont le parlement à Dublin serait sous l’emprise de l’Église catholique. « Home Rule is Rome Rule », disait leur slogan. Les deux chambres à Westminster leur donnaient raison.

Malgré tout, le Home Rule a fini par être approuvé en 1912. Les protestants d’Ulster ont menacé de résister militairement si la nouvelle loi leur était imposée. L’Irlande était au bord de la guerre civile.

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale en août 1914 a retardé l’entrée en vigueur de la loi. Frustrés, des nationalistes ont lancé une insurrection à Pâques en 1916. L’échec du soulèvement a eu des conséquences majeures pour l’Irlande.

UN AVENIR INCERTAIN

Cédant aux exigences des protestants d’Ulster, qui menaçaient de déclencher une guerre civile, le gouvernement a fini par leur permettre de se séparer du reste de l’Irlande. En mai 1921, l’Irlande du Nord est née, composée de six des neuf comtés de la province d’Ulster, tous majoritairement protestants et unionistes. Elle fait toujours partie du Royaume-Uni.

L’avenir de l’Irlande du Nord paraît incertain. Elle a dû endurer 30 ans de violences intercommunautaires avant de retrouver la paix en 1998. En 2016, la nation constitutive a voté à 56 % contre le Brexit. Aux élections en 2022, les unionistes ont perdu leur majorité face aux partis nationalistes. En septembre dernier, un recensement a révélé que les catholiques sont désormais majoritaires en Irlande du Nord. Un dernier chapitre de son histoire reste à écrire.

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2023-03-18T07:00:00.0000000Z

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