Le Journal de Montréal

Lieu historique pour les Irlandais du Québec

FRÉDÉRIC BASTIEN Historien et chroniqueur

Comme chaque année, le début du printemps est marqué par les célébrations de la Saint-Patrick, fête nationale des Irlandais. Leur importante immigration au Québec et au Canada s’est étendue sur une longue période et elle est souvent associée à Grosse-Île, un endroit où les nouveaux arrivants étaient gardés en quarantaine.

L’arrivée des Irlandais a commencé sous la Nouvelle-France. La France, catholique et ennemie de l’Angleterre protestante, entretenait des liens forts avec l’Irlande, elle aussi catholique. Des Irlandais qui servaient dans les armées françaises sont venus ici, sur les territoires coloniaux, avant la Conquête. C’est d’ailleurs ainsi que des Reilly sont devenus des Riel et que des Casey sont devenus des Caissie. Le plus important afflux d’immigrants irlandais remonte au milieu du XIXe siècle lorsque quelque

600 000 d’entre eux ont traversé l’Atlantique pour rejoindre le Canada.

LA GRANDE FAMINE

Il faut toutefois retourner environ encore 200 ans en arrière pour expliquer la raison de cet exode. En 1649, les anglo-protestants confisquent de nombreuses terres aux Irlandais à la suite d’une rébellion antianglaise matée par Cromwell. Les Anglais détiennent ainsi la grande majorité du territoire sur l’île.

Pendant deux siècles, les Irlandais catholiques sont les victimes de multiples discriminations. Ils survivent sur de petits lopins de terre grâce à la culture de la pomme de terre.

Or, en 1845, celle-ci est dévastée par l’apparition d’un parasite. Une immense famine s’ensuit. Les Irlandais, à l’époque, crèvent littéralement de faim.

Les Anglais ne font rien pour les aider, alors qu’un million de catholiques périssent. C’est pour cette raison que les Irlandais se mettent à quitter leur pays et à prendre la direction du Canada, notamment.

LE CONTRÔLE DES ÉPIDÉMIES

En 1832, donc quelques années avant l’arrivée massive d’immigrants irlandais, une station de quarantaine (qui recevra environ quatre millions d’immigrants durant son existence) est mise en place : Grosse-Île. Située à 46 km en aval de Québec, elle vise à éviter la propagation d’épidémies, qui sont nombreuses à l’époque.

Malgré ces précautions, les maladies continuent de frapper : en 1833-1834, par exemple, l’épidémie européenne de choléra se propage au Québec et fait 5700 morts.

Cela n’empêche pas les immigrants de continuer à affluer, et ce sont surtout des Irlandais qui débarquent à Grosse-Île. Ils arrivent après avoir passé plusieurs semaines sur des bateaux, entassés dans des conditions insalubres. Des milliers meurent en mer et des milliers d’autres périssent à leur arrivée sur l’île, comme en témoigne encore aujourd’hui le cimetière irlandais. Rien qu’en 1847, 5000 d’entre eux sont fauchés par le typhus. En dépit de la quarantaine, la maladie se répand sur le territoire canadien et fait 20 000 morts.

HÔTEL DE PREMIÈRE CLASSE

Devant la piètre situation des migrants dans le transport maritime, Ottawa décide de modifier son approche. En 1869, le fédéral oblige d’abord les transporteurs maritimes à offrir de meilleures conditions de voyage aux passagers.

Dans un deuxième temps, le complexe de Grosse-Île est modernisé. On construit des installations servant à la désinfection des immigrants. Un hôpital spécialisé dans les maladies infectieuses est érigé. On sépare aussi les gens qui sont malades de ceux qui ont l’air bien portants pour éviter la contamination.

Le gouvernement fait par ailleurs construire des hôtels pour loger les migrants durant leur quarantaine. Selon le budget de chacun, on peut loger en première, en deuxième ou en troisième classe.

En 1937, le gouvernement fédéral ferme la station de quarantaine de l’île. Dans le plus grand secret, celle-ci est ensuite utilisée durant la guerre pour y tester des armes bactériologiques.

À partir de 1957, Grosse-Île reprend sa vocation de station de quarantaine, mais cette fois pour les animaux importés au pays. En 1984, l’île est classée site patrimonial et devient un parc national. On peut la visiter de mai à octobre.

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2023-03-18T07:00:00.0000000Z

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