Le Journal de Montréal

Saviez-vous que des chefs syndicaux du Québec se sont retrouvés en prison il y a 51 ans?

ÉRIC BÉDARD

Ces semaines-ci, le gouvernement et les syndicats cherchent à imposer leur agenda des négociations. Dans un contexte économique incertain marqué par une inflation galopante, on peut s’attendre à un affrontement musclé. Mais rassurons-nous : aucun chef syndical ne risque de finir en prison, comme ce fut le cas en 1972 !

Cette année-là, montre Olivier Ducharme dans son livre, bien de jeunes Québécois rêvaient de révolution malgré la répression d’octobre 1970 et la dissolution du FLQ. Nul besoin de souscrire aux vues de cet historien de gauche pour apprécier sa riche chronique de cette année ô combien turbulente. Le tableau qu’il peint de l’année 1972 est absolument saisissant !

VIVE LE SOCIALISME !

Notre époque est certes hantée par des débats acrimonieux sur des sujets délicats, mais le climat social n’a rien à voir avec celui du début des années 1970, alors que plusieurs rêvaient d’instaurer le socialisme et que les grèves se multipliaient.

En février, les cols bleus de Montréal déclenchent une grève. Coïncidence malheureuse : la tempête de neige du siècle s’abat sur les Montréalais. Leur ville, ensevelie sous 40 cm, est complètement paralysée. C’était avant la loi sur les services essentiels.

Le 7 mars, le bras de fer entre le gouvernement et le front commun syndical commence en force avec une grande assemblée qui se tient dans l’ancien Forum de Montréal.

« Les fonctionnaires doivent aller chercher le maximum, car ils vont forcer ainsi l’entreprise privée à offrir les mêmes avantages », lance l’orateur Michel Chartrand aux milliers de travailleurs gonflés à bloc.

Leur principale revendication : un plancher de 100 $ par semaine pour tous les employés du secteur public.

LIRE MARX EN PRISON

Le 11 avril, une grève générale illimitée est déclenchée. Des injonctions adoptées par le gouvernement rendent ces débrayages illégaux. Les centrales doivent payer des amendes très salées et les chefs syndicaux sont passibles d’une peine d’emprisonnement. Malgré ces mesures fortes, Marcel Pepin (CSN), Louis Laberge (FTQ) et Yvon Charbonneau (CEQ) restent campés sur leurs positions.

Le 8 mai, les trois hommes sont condamnés à un an de prison, du jamaisvu dans l’histoire du Québec. Après avoir porté leur cause en appel, sans succès, ils vont purger leur peine à la prison d’Orsainville. Après trois mois, ils obtiennent une libération conditionnelle. Belle occasion, confie Pepin à sa sortie, pour lire Le Capital, de Karl Marx…

Ces vives tensions de l’année 1972, montre bien Olivier Ducharme, ne se confinent pas au monde du travail. L’atmosphère est à la contestation globale du régime capitaliste et libéral.

Les artistes dénoncent la censure de l’Office national du film et organisent une seconde nuit de la poésie ; des militantes féministes réclament le droit d’être servies dans les tavernes, longtemps réservées aux hommes seulement ; des étudiants et des professeurs dénoncent les cégeps et les « universités bourgeoises » qui reproduisent les inégalités sociales ; les Autochtones réclament d’être consultés par l’État québécois, qui vient de lancer l’immense chantier de la Baie-James.

Pour tous ceux que nos débats polarisés inquiètent, ce livre aura l’effet d’une bonne camomille !

WEEKEND | HISTOIRE

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2023-03-18T07:00:00.0000000Z

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