Le Journal de Montréal

« J’AI APPRIS À AIMER CES GENS-LÀ »

Malgré les incalculables menaces de mort et les insultes dégradantes qui ont pourri sa vie pendant des années, le chanteur Jérémy Gabriel jure qu’il n’en veut plus à ses harceleurs du web.

CÉDRIC BÉLANGER Le Journal de Québec cedric.belanger @quebecormedia.com

« Aujourd’hui, je suis très serein », répond-il quand on lui demande ce qu’il pense des gens qui s’en sont lâchement pris à lui.

« J’ai appris à vivre avec ça et à aimer ces gens-là, parce qu’ils ont visiblement un problème. Proférer des menaces de mort à quelqu’un que tu n’as jamais rencontré… J’ai appris à prendre la force que ça me donnait. Toute la force que j’ai aujourd’hui, c’est grâce à ces gens-là. Ils m’ont donné l’opportunité de devenir plus fort. »

Il a même annoncé, jeudi matin, l’abandon de la dernière poursuite au civil contre Mike Ward, mettant fin à une saga judiciaire qui a duré huit ans contre celui qui avait fait de Jérémy Gabriel la cible de blagues cruelles dans un spectacle présenté entre 2010 et 2013.

LA POLICE

On ne lui en voudrait pas de penser le contraire. Entre 2015 et 2019, au plus fort de ses démêlés judiciaires avec Mike Ward, qu’il qualifie de point de départ de cette campagne d’intimidation virtuelle, les menaces, les insultes et le harcèlement étaient son lot quotidien. « C’était tout le temps. Parfois, nous étions quatre ou cinq personnes à faire de la modération sur ma page Facebook pour contrôler les messages et les filtrer. J’ai reçu plusieurs menaces de mort via Messenger, sur ma page Facebook. Chaque année, je faisais affaire avec un enquêteur de la police, à Québec ou à Montréal, pour des menaces de mort proférées à mon endroit. Ça faisait partie de mon quotidien d’avoir des appels d’enquêteurs.

« En 2017, poursuit-il, un jeune homme a pris une photo avec un fusil et il disait qu’il allait me tuer. Il a été arrêté par la police et a fait de la prison. Quand je faisais des spectacles, il fallait prévoir de la sécurité supplémentaire parce qu’on ne savait pas si des gens allaient venir faire du trouble. À l’Anti à Québec, il y a 5 ans, des gens sont venus pour faire des menaces, ils ont dû être mis dehors, la police est venue. »

DIFFICILE POUR SES SOEURS

Il y a eu des conséquences. Encore aujourd’hui, les salles de spectacles refusent de l’embaucher. Les diffuseurs ne voulaient pas gérer le chaos, dit-il.

« En 2016, quand j’étudiais au cégep de Limoilou, j’avais peur d’y aller parce que quelqu’un avait fait des menaces. Il disait qu’il savait où j’allais à l’école, qu’il allait me trouver et me péter la gueule », dit-il.

Ses proches ont aussi été visés. « Pour mes soeurs, c’était très difficile. Elles étaient au secondaire quand tout a commencé. Lorsque ça a pris de l’ampleur, elles ont changé de nom de famille. »

COMME LA MÉTÉO

Comment a-t-il fait pour supporter ça et passer au travers ?

« Je ne sais pas. Aujourd’hui, j’en parle aux gens comme on parle de la météo, mais ça fait partie de mon quotidien. Tu finis par accepter ton sort. C’est certain que c’est difficile parce que tu te dis : est-ce qu’on va finir par me laisser tranquille ? Je comprends que des gens ne m’aiment pas, mais de là à en vouloir à ma vie ou vouloir me faire mal physiquement. C’est tellement plus simple de changer de poste ou de juste pas regarder ce que je fais ou ne pas écouter ma chanson. »

Sa tempête s’est calmée quand une autre, la pandémie, s’est levée. Il a trouvé un boulot dans un hôpital de Québec et a presque effacé complètement toute trace de lui sur les réseaux sociaux. « C’est là que cela a diminué. »

En accordant une entrevue au Journal, Jérémy Gabriel sait trop bien qu’il recevra de nouveau des commentaires haineux, mais refuse de se taire.

« Ça va tout le temps arriver, dit-il, résigné. Je m’attends… je m’attends à tout. J’ai juste 26 ans et il n’y a rien que je n’ai pas entendu. Je serais vraiment étonné d’être étonné. »

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2023-05-27T07:00:00.0000000Z

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