Le Journal de Montréal

Le Mascouchois qui a pris part à l’envol de L.A.

LUC LALIBERTÉ Historien et chroniqueur Collaboration spéciale

La Californie, avant d’être intégrée comme État en 1850, fut pendant plusieurs années un lieu de rencontre de nombreuses influences. Elle fut également une destination pour de nombreux Canadiens français. Témoin de cette présence, la ville de Los Angeles a eu deux maires canadiens-français entre 1859 et 1876.

C’est un lecteur du Journal, le cinéaste Jacques Thivierge, qui a attiré mon attention sur celui que la romancière Danielle Brault surnomme « un grand dieu des routes », Prudent Beaudry. Porter un regard sur l’ensemble de son cheminement, c’est démontrer, contrairement à l’idée largement répandue, que les Canadiens français avaient le sens des affaires.

À la fois énergique, audacieux, déterminé, mais irascible et incapable de se soumettre à une autre volonté que la sienne, le natif de Mascouche va tracer sa voie presque seul, allant jusqu’à prendre ses distances de ses frères, eux aussi entrepreneurs bilingues et formés dans les meilleures écoles de Montréal et de New York.

Il est attiré en Californie par la ruée vers l’or autour de 1850. Ses activités d’import-export lui permettront d’amasser une petite fortune. Préoccupé par des problèmes oculaires, il se rend à Paris en 1855, où il fait la rencontre de l’oculiste Frédéric Jules Sichel pendant l’exposition universelle.

Après un temps d’arrêt à Montréal, il retourne en Californie en 1861.

LE DÉVELOPPEUR BEAUDRY

Si Los Angeles passe du statut de village à celui de ville pendant les années 1850, c’est sous l’impulsion du Canadien français qu’elle prend vraiment son envol.

Sitôt revenu dans la Cité des anges, Beaudry poursuit ses activités commerciales, mais dès 1867, il investit dans l’immobilier. Son côté visionnaire va le démarquer de ses compétiteurs.

Plutôt que d’ignorer des terrains dans les hauteurs et considérés comme impropres au développement, il les achète à bas prix avant de les mettre en valeur.

C’est à lui qu’on doit le développement des secteurs de Bunker Hill et Angelino Heights. Pour assurer le développement de parcs et approvisionner les secteurs en eau potable, il fonde avec deux associés la Los Angeles City Water Compagny.

Misant sur son dynamisme, son sens inné des affaires et du développement urbain, ses concitoyens le portent ensuite à la mairie. Après Damien Marchesseault (1859-1860 et 1861-1865), il devient ainsi, en 1874 et 1876, le second maire canadien-français de Los Angeles.

Sa réputation d’incorruptible et sa contribution au développement de la ville seront soulignées en 1889 dans An illustrated history of Los Angeles County :

« It was a transition period for Los Angeles, and the services of such a clear-headed, energetic and incorruptible man as Mr. Beaudry were needed to guide the struggling young city […] »

Malgré une vie passée à l’étranger, après son décès et une cérémonie à la St. Vibiana Cathedral, on va rapatrier son corps pour l’enterrer auprès d’autres membres de sa famille dans le Cimetière NotreDame-desNeiges.

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2023-05-27T07:00:00.0000000Z

2023-05-27T07:00:00.0000000Z

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