Le Journal de Montréal

GUERRE ET PAIX DANS LE CYBERESPACE

JACQUES LANCTÔT Collaboration spéciale

De tout temps, les pirates ont inspiré la peur et forcé à une plus grande vigilance. Si certains pirates continuent à hanter les mers et à rançonner leurs proies, le grand piratage navigue aujourd’hui sur d’autres mers et utilise des armes plus subtiles, mais tout aussi dommageables, qui peuvent prendre le contrôle, en moins de deux, de vos ordinateurs et des appareils qui y sont connectés.

Avec l’augmentation des tensions sur le plan international, on peut craindre que les cyberattaques aillent en augmentant, nous préviennent les auteurs.

Tout le monde s’entend pour dire que la sécurité absolue n’existe pas. On doit donc chercher plutôt à minimiser les dégâts. Car l’arrivée de nouvelles technologies dans divers secteurs d’activités économiques essentiels entraîne immanquablement de nouvelles vulnérabilités.

CYBERDIPLOMATIE

Les auteurs de cet ouvrage énumèrent plusieurs cyberattaques concernant des secteurs névralgiques comme l’électricité ou le transport pétrolier par oléoducs. Ainsi, lors d’une cyberattaque contre la Colonial Pipeline, aux États-Unis, en mai 2021, cette entreprise a dû verser 5,94 millions $ (4,4 M$ US) aux pirates pour pouvoir reprendre ses opérations. La cyberattaque contre Sony pour l’empêcher de diffuser son film L’interview qui tue!, vraisemblablement l’oeuvre du gouvernement de la Corée du Nord, est aussi largement commentée, car elle a amené le gouvernement étatsunien à adopter de nouvelles mesures et lois pour contrer ces attaques à l’avenir, ainsi qu’une forte augmentation des budgets alloués à la cybersécurité.

Or, le cyberespace ne connaît pas de frontières. Cette nouvelle réalité donne lieu à une nouvelle forme de relations pour régler les problèmes pouvant surgir entre nations : la cyberdiplomatie, tous les pays, surtout occidentaux, étant appelés à collaborer. Car le vaste domaine des communications fait désormais partie des secteurs vitaux d’un État. L’OTAN est même allée jusqu’à déclarer « qu’une cyberattaque majeure avec des dommages systémiques peut désormais être considérée comme une attaque armée et donner lieu à une réponse militaire ». Comme on peut l’imaginer, aucun consensus n’est apparu à ce jour pour encadrer la gouvernance internationale du cyberespace.

Plus récemment, l’entreprise téléphonique chinoise Huawei a fait les frais de cette course à la cybersécurité. Interdite dans plusieurs pays, parce qu’elle constituerait un risque à la sécurité nationale, au Canada, le gouvernement lui a interdit « de s’impliquer dans le développement des réseaux 5G du pays » pour les mêmes raisons. Qu’à cela ne tienne, Huawei s’est lancée à la conquête du vaste marché africain.

Quant au Québec, le gouvernement a créé, en janvier 2022, le ministère de la Cybersécurité et du Numérique, une première mondiale. Mais le ciel du cyberespace ne s’annonce pas des plus sécuritaires pour autant.

« Le numérique occupera une place primordiale au coeur des confrontations futures », concluent les auteurs.

La cyberpaix n’est pas encore au programme. Il faudra attendre donc, alors que deux géants s’affrontent : les États-Unis qui revendiquent un rôle de leader, et la Chine, qui croit y arriver d’une autre manière, en pratiquant ce que les auteurs appellent le soft power.

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2023-05-27T07:00:00.0000000Z

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