Le Journal de Montréal

PENDANT QUE JOUE LA RADIO

ROMANS D’ICI Écouter la radio structure le quotidien de la plupart d’entre nous – un constat qui va tellement de soi qu’on n’en parle jamais. Martin Bélanger en fait au contraire l’épine dorsale de son premier roman.

JOSÉE BOILEAU Collaboration spéciale

Avec La fin de nos programmes ,on entre dans la vie de Vincent Lauzier, personnage aussi sympathique que singulier.

D’abord, l’homme souffre d’acouphènes ; il est donc extrêmement sensible aux niveaux sonores, au point de choisir en conséquence les restaurants qu’il fréquente.

La radio s’avère toutefois un remède magique pour enterrer ce bruit constant dans ses oreilles. Alors comme lui, on l’écoute !

Tout le récit est en effet ponctué d’extraits d’émissions ou de bulletins de nouvelles qui accompagnent Vincent dans sa cuisine, en faisant des courses, en se couchant… Cela crée un ton et un rythme.

« Presque chaque instant que je passe éveillé, quelqu’un me parle, m’informe ou me débite des inepties qui me font bondir. »

Non pas que Vincent soit isolé. À 42 ans, il est certes célibataire, mais il a des amis et cherche toujours l’amour. Sans oublier sa mère, qui lui passe de nombreux coups de fil, et sa soeur, à la famille bien établie.

Sa vie est malgré tout sans grand relief. Son travail en est l’exemple même : il est… préposé aux excuses pour la Ville de Montréal ! En fait, son titre officiel est « agent de communication, division gestion de la perception, volet citoyens », ce qu’il résume par « un col blanc de la contrition ».

Par exemple, un citoyen se plaint officiellement des travaux interminables et du temps fou qu’il perd dans les bouchons de circulation. Après un (très long !) délai, la plainte arrive à Vincent ; celui-ci va dès lors téléphoner à l’homme pour présenter les excuses de la Ville…, en général fort mal reçues. Aussi simple et ennuyeux que ça !

L’EFFET DES IMPRÉVUS

Mais Vincent est si englué dans sa routine qu’il ne sait comment en sortir, d’autant que son boulot est fort bien rémunéré et que, comme il dit, il « aime le goût de la normalité ». On est loin de l’avenir incertain que ses études en cinéma annonçaient.

Sauf que son père décède, sa mère tombe malade, sa meilleure amie le pousse à sortir de sa coquille, un vieux camarade d’études – devenu un réalisateur en vue – lui fait visiter un plateau de tournage… De quoi remuer un homme, peut-être même l’inciter à changer de poste !

Martin Bélanger construit avec finesse un scénario qui renvoie à la fois à l’envie de stabilité et au désir de changer, et de l’effet des imprévus sur cette dynamique. Tout cela est relaté avec lucidité par un narrateur qui, même avec sourire en coin, ne se raconte pas d’histoires.

Il n’y a donc pas de grande rupture ici, mais un glissement subtil dans la manière d’appréhender la vie. L’auteur a trouvé une manière originale d’aborder la traditionnelle crise de la quarantaine. On embarque, mieux encore, on y croit.

LIVRES WEEKEND

fr-ca

2023-05-27T07:00:00.0000000Z

2023-05-27T07:00:00.0000000Z

https://jdm.pressreader.com/article/283583814762300

Quebecor Media