Le Journal de Montréal

Dauphins morts, meurtres et pots-de-vin à des juges

58 délateurs témoignent dans un mégaprocès de 355 accusés liés à la mafia

LAMEZIA TERME | (AFP) Un dauphin mort sur un paillasson, des fenêtres détruites à coups de masse, des pots-de-vin versés à des juges en échange d’acquittements.

Tous ces épisodes proviennent des histoires racontées depuis janvier par quelque 58 membres de la ‘Ndrangheta, la redoutée mafia calabraise, qui ont accepté de témoigner à charge au maxi-procès anti-mafia organisé en Calabre.

Ce procès, le plus important du genre depuis la fin des années 1980, couvre des délits aussi divers que du trafic de drogue, des achats de votes et des meurtres.

« Ils les ont attendus sur la place Morelli, les ont invités à manger de la ricotta à la ferme […] et ils les ont tués, brûlés et dissous », a raconté un délateur, Andrea Mantella, rappelant comment un boss avait tué deux frères en 1988.

La ‘Ndrangheta, la mafia la plus puissante de la péninsule, est au centre de ce mégaprocès de 355 accusés organisé sur sa terre d’origine à Lamezia Terme, la troisième ville de Calabre.

La ‘Ndrangheta domine le marché européen de la cocaïne, mais a aussi infiltré la plupart des secteurs de l’économie légale, avec l’aide de membres des milieux d’affaires et politiques.

Les témoignages déposés par 58 repentis ont révélé la brutalité de l’organisation mais aussi son influence insidieuse à tous les niveaux de la société.

Les méthodes d’intimidation sont variées : chiots, dauphins morts ou têtes de chèvre laissés sur un pas de porte, menaces téléphoniques, passages à tabac, voitures incendiées, cocktails Molotov et coups de feu.

LUIGI LE SUPRÊME

Le procès se concentre sur une seule province de Calabre, celle de Vibo Valentia, où les clans familiaux sont dominés par Luigi Mancuso, un homme de 67 ans surnommé «le Suprême», de retour devant la justice après avoir purgé jusqu’en 2012 une peine de 19 ans de prison.

Les accusés à ce procès hors-norme sont aussi bien des boss présumés que leurs collaborateurs. L’imbrication de la ‘Ndrangheta dans l’économie locale rend son éradication quasiment impossible.

Devant le tribunal, des témoins ont raconté comment des ambulances étaient utilisées pour le trafic de drogue, de l’eau publique détournée pour alimenter les cultures de marijuana, et des migrants morts noyés et enterrés sans cercueils à l’issue d’un appel d’offres public truqué.

PROCÈS TRUQUÉ

Illustrant la proximité de la très riche ‘Ndrangheta avec les puissants, un de ses hauts gradés, Andrea Mantella, a expliqué comment un pot-de-vin de plus de

100 000 $ avait suffi pour qu’il soit transféré d’une prison classique à un hôpital.

Mantella et un autre témoin ont aussi révélé que la ‘Ndrangheta avait payé 72 000 $ à un ancien sénateur et avocat, Giancarlo Pittelli, pour truquer un procès.

Sur le banc des accusés figurent aussi des policiers, des greffiers, des maires, et même un vétérinaire accusé d’avoir aidé à vendre du bétail volé.

APPLAUDISSEMENTS

Il y a deux ans, des milliers de personnes à Vibo Valentia, en Calabre, sont descendues dans la rue le matin de Noël pour célébrer l’arrestation de centaines de membres présumés de la mafia.

« Les applaudissements étaient incessants, j’en avais des frissons », se souvient Giuseppe Borrello, représentant local de l’association anti-mafia Libera. « D’un point de vue symbolique, c’était important ».

MONDE

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2021-11-29T08:00:00.0000000Z

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