Le Journal de Montréal

Des écoles de pilotage francophones menacées

ADM impose des frais exorbitants qui pourraient restreindre l’accès au cours de pilotes francophones

OLIVIER BOURQUE

Après des années de disette, la vie revient peu à peu à l’aéroport de Mirabel. Des écoles qui forment des centaines de pilotes francophones se sont implantées, mais Aéroports de Montréal leur impose maintenant des frais exorbitants qui menacent leur survie.

« C’est une expropriation déguisée, on veut nous fermer », s’indigne Josée Prud’homme, présidente de Cargair.

Il y a six ans, un homme d’affaires, Marc-André Théorêt, a voulu relancer la petite aviation à Mirabel afin de redonner une vocation à cet éléphant blanc.

« On a accès à des infrastructures de classe mondiale et surtout, le bruit des avions ne dérange personne ici », nous raconte le président de Mirajet, au coeur de la relance du site.

Son groupe a investi 15 millions $ pour construire des hangars et le projet a séduit des entreprises d’aviation et deux écoles de pilotage, l’Académie aéronautique et Cargair, la plus importante du Québec.

« C’est l’endroit avec le plus grand potentiel pour développer nos pilotes de ligne au Québec. Actuellement, nos deux écoles forment près de 200 pilotes francophones annuellement. L’an passé, 33 % des pilotes professionnels francophones ont été formés à Mirabel », soutient Mme Prud’homme, en entrevue avec Le Journal.

UNE HAUSSE DE 7000 %

Mais tout bascule en janvier dernier. Aéroports de Montréal (ADM), qui assure la gestion de Mirabel, dit avoir un manque à gagner de 400 millions $ et « procède à une révision de certains frais ».

En raison de la pandémie, l’organisation aéroportuaire imposera dorénavant un coût de 65 $ par atterrissage pour les avions à pistons.

L’impact est drastique pour les écoles qui doivent effectuer plusieurs manoeuvres (posé-décollé) lors des cours. Résultat ? Leurs frais annuels par avion passent de 540 $ à environ 38 000 $.

« Pour nous, ça représente un montant annuel de plus de 410 000 $, c’est une hausse de 7000 %. J’espère vraiment qu’ADM va revenir à la réalité », se désole Salim Elhage, président de l’Académie aéronautique.

Pour encaisser le choc, les écoles n’auront d’autre choix que de refiler la facture aux étudiants.

« Ça signifie une augmentation de 25 %. Ils ne vont pas payer cela, ils vont aller ailleurs », se désole Mme Prud’homme.

Il existe d’autres écoles dans la région montréalaise, notamment à Lachute, à Cornwall et Saint-Hubert où Cargair est déjà présente. Mais la question du bruit est toujours un enjeu.

« En venant à Mirabel, on a trouvé l’endroit parfait. On ne dérange pas les résidents et on a rouvert la tour de contrôle en raison de la nouvelle activité que nous avons générée », souligne la présidente de Cargair.

Une action en justice a donc été intentée par le groupe de gens d’affaires qui contestent les frais imposés par l’administration aéroportuaire.

FITZGIBBON AU COURANT

Selon nos informations, l’affaire a rebondi dans l’arène politique. Le cabinet du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, est même intervenu auprès du PDG d’ADM, Philippe Rainville, mais sans succès.

Contactée par Le Journal, ADM confirme qu’elle n’a pas le choix de hausser ses frais et que l’aéroport de Mirabel est un site déficitaire.

« On fonctionne sur un modèle utilisateurpayeur, on doit s’assurer que chacun paye sa juste part de l’utilisation de nos installations, car on doit les mettre à niveau, on se doit d’avoir un environnement sécuritaire, alors ça vient avec des coûts », assure Anne-Sophie Hamel, porte-parole d’ADM.

« On veut bien payer notre juste part et négocier, mais en ce moment c’est exagéré. Ailleurs au Canada, la situation est bien différente », répond la présidente de Cargair.

Par exemple, l’aéroport de Vancouver ne facture que 20 % du plein tarif aux écoles de pilotage. À Québec, on impose un montant forfaitaire de 1433 $ par avion.

« Aux États-Unis, il n’y a pas de frais d’atterrissage pour la petite aviation. Pensez-vous qu’ils vont vouloir venir ici et payer ces montants ? » se demande le président de Mirajet.

ADM n’a pas été en mesure de détailler quels montants seront récupérés avec la majoration de la redevance.

« Il s’agit d’information à teneur commerciale, on ne peut donc pas partager ces estimations », a souligné Mme Hamel.

En attendant, l’avenir de la formation des pilotes sur le site de Mirabel est en suspens. « C’est le berceau de l’aéronautique au Canada. En pleine pénurie de maind’oeuvre, on a besoin de pilotes et on vient taxer ces étudiants qui s’endettent pour étudier. Je ne comprends pas », se désole Josée Prud’homme.

LA UNE

fr-ca

2021-11-29T08:00:00.0000000Z

2021-11-29T08:00:00.0000000Z

https://jdm.pressreader.com/article/282144999621076

Quebecor Media