Le Journal de Montréal

Apprendre à faire face à Revenu Québec

Emmanuelle Gril emmanuelle.gril @quebecormedia.com

Le ministère du Revenu du Québec et l’Agence du revenu du Canada ne sont pas des créanciers comme les autres. Ils disposent de pouvoirs spéciaux qui leur permettent de récupérer les sommes dues plus facilement que des créanciers ordinaires. Frédérick l’a appris à ses dépens…

Frédérick est technicien de laboratoire et est en couple avec Élyse. Il y a 10 ans, il a lancé sa propre affaire de produits promotionnels destinés aux entreprises, utilisant pour cela un prêt au démarrage de 16 000 $ et sa marge de crédit de 10 000 $. Bon an mal an, cette activité lui procure environ 15 à 20 000 $ de revenus.

Or, juste avant la pandémie, Revenu Québec lui a envoyé une facture fiscale rétroactive pour 2015, 2016 et 2017. Frédérick n’était pas d’accord avec cet avis de cotisation, mais ne l’a pas contesté dans les délais, et la dette atteint désormais 24 000 $, incluant les pénalités, frais et intérêts. Au niveau fédéral, il devra probablement verser la même somme.

Au bout du compte, Frédérick sera responsable d’une dette totale de

74 000 $, un montant qu’il serait bien en peine de rembourser. Il a donc décidé de consulter un expert en insolvabilité pour évaluer ses options.

HYPOTHÈQUE LÉGALE

Mauvaise nouvelle : lorsque le syndic chargé du dossier de Frédérick a consulté le registre foncier, il a constaté que Revenu Québec avait publié une hypothèque légale de 24 000 $ sur sa maison, dont il est copropriétaire à parts égales avec sa conjointe. La résidence est évaluée à 280 000 $ par la municipalité, mais vaut environ 360 000 $ sur le marché. Le solde de l’hypothèque est de 220 000 $.

« Lorsqu’un avis de cotisation est émis et qu’il n’y a aucune contestation par le contribuable dans les 90 jours, le fisc a le droit de prendre des mesures de recouvrement. Celles dont il dispose sont beaucoup plus rapides et efficaces que celles accessibles aux créanciers en général », mentionne Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabilité et président de Jean Fortin et Associés.

Il précise que le fisc peut saisir un compte en banque, un REER, un compte à recevoir ou tout autre actif, et il est réputé en devenir propriétaire dès que la saisie est effectuée.

« Nous avons déjà eu un cas où quelques jours avant la faillite, Revenu Québec avait saisi pour 35 000 $ de REER. Dans ce dossier, si la faillite avait été déposée avant la saisie, le REER aurait été considéré comme intouchable et la personne aurait pu le conserver », indique Pierre Fortin.

Si vous possédez un immeuble ou un véhicule, le fisc peut également publier une hypothèque sur ces biens. Une fois publiée, et même en cas de faillite ou de proposition de consommateur par la suite, elle ne disparaîtra pas. Le gouvernement devient un créancier garanti sur l’immeuble et contrairement à une dette d’impôt ordinaire, vous demeurerez responsable de la dette et des intérêts.

ENTENTE SÉPARÉE

Concrètement, dans le cas de Frédérick, cela signifie que sa dette de 24 000 $ ne peut plus être contestée et qu’elle continuera de porter intérêt, et ce, même s’il fait faillite ou dépose une proposition. De plus, quiconque consultera le registre foncier – acheteur éventuel, banque, etc. – constatera qu’il a eu des ennuis avec le fisc.

Frédérick a donc décidé de déposer une proposition qui englobera toutes ses dettes non garanties (prêt, marge et dette à venir auprès de l’Agence du revenu du Canada) pour un total de 50 000 $. Il offre à ses créanciers un montant de 35 000 $, payable à raison de 583 $ par mois pendant 60 mois.

La somme due à Revenu Québec fera l’objet d’une entente séparée, et elle devra être réglée dans son intégralité, incluant les intérêts. Le ministère a accepté que l’entente de paiement soit prise sur sept ans au lieu de cinq, soit un versement mensuel de 340 $ incluant des frais d’intérêt de 4500 $.

« Une intervention plus rapide aurait permis d’éviter la publication d’une hypothèque légale et d’inclure la dette d’impôt provinciale dans une entente globale. On estime que Frédérick aurait ainsi pu économiser environ 11 500 $ en capital et en intérêts », conclut Pierre Fortin. Agir vite, c’est la clé !

ARGENT

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2021-11-29T08:00:00.0000000Z

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