Le Journal de Montréal

Comme un téléroman

Il n’est pas possible de raconter la vraie histoire du congédiement de Marc Bergevin et de tous ceux qui étaient proches de lui chez le Canadien.

RÉJEAN TREMBLAY

Parce que c’est une histoire d’amour, de grands espoirs, d’amères déceptions, de luttes de pouvoir, de rêves partagés et de coups fourrés.

Si le hockey se nourrit de statistiques, la direction d’une grande organisation comme le Canadien se nourrit de complicités, d’alliances et surtout de confiance.

Quand les complicités s’effritent, quand les alliances se nouent et se rompent pour toutes sortes de raisons qui n’ont rien à voir avec le hockey sur la patinoire, quand la confiance dans l’autre diminue, c’est un univers qui s’écroule.

Dans les faits, le sort de Marc Bergevin était déjà décidé au mois d’août. Et si le Canadien ne s’était pas miraculeusement rendu en finale de la Coupe Stanley, Marc Bergevin et son âme damnée Trevor Timmins auraient sans doute levé les feutres en juillet.

Au lendemain du repêchage de Logan Mailloux.

Mais pour raconter la vraie histoire avec des personnages fictifs, ça prendrait un Lance et compte. Avec tout ce que vous imaginez. Dans une page de journal, on met des gants blancs et on respecte la vie privée des gens. Dans un drame pour la télévision, on peut dire les vraies affaires. Et tout devient clair. Et encore plus passionnant.

DES SIGNES QUI NE TROMPENT PAS

Mais quand même, quand on connaît les façons de procéder dans les grandes entreprises, on décode vite ce qui se passe. Les déclarations de Geoff Molson après le repêchage de Logan Mailloux étaient limpides. Marc Bergevin était allé trop loin, il allait payer.

Il suffisait également de voir l’alignement du Canadien soir après soir pour réaliser que Bergevin et Timmins jouaient avec les poignées de leur tombe. Souvent, Carey Price et Brendan Gallagher étaient les seuls joueurs repêchés et développés par le Canadien. Un certain soir de mai, il n’y avait pas un seul Québécois francophone dans l’alignement. Pensez-vous que Geoff Molson et les dirigeants du Canadien ne le voyaient pas ?

J’ai su que Trevor Timmins passerait à la trappe il y a quelques semaines. Ce soir-là, à RDS, un réseau appartenant à Bell, un des propriétaires du Canadien, Benoît Brunet et Vincent Damphousse ont fait le procès de Trevor Timmins. Ils ont décortiqué son travail avec le Canadien en passant le tout au scalpel. Impitoyables. Pendant 4 minutes et 51 secondes.

Pour quiconque connaît son Lance et compte, c’était la condamnation à mort de Timmins. Écrite sur le mur, racontée sur l’oreiller.

COMME UN CHIEN GALEUX

Depuis quatre mois, les grands patrons du CH cherchaient une solution pour remplacer Marc Bergevin. Mais les candidats capables de s’exprimer en français sont rares.

Pendant ces mois, Geoff Molson a traité Marc Bergevin comme un paria. Je n’ai pas été impressionné par le travail de repêchage et de développement de Bergevin. Il s’est sauvé les fesses grâce à de bonnes transactions. En fait, son bilan justifiait un congédiement.

Mais pas de la façon dont ça s’est passé. On ne traite pas un chien comme on a traité Bergevin, confiné à la maison avec sa COVID-19.

On l’a humilié, on a foiré complètement l’histoire de Scott Mellanby en laissant l’adjoint de Bergevin prévenir un ami journaliste au Minnesota en forçant ainsi l’organisation à réagir en soirée alors que les réseaux de télévision travaillent déjà sur la nouvelle de sa démission et les raisons données par Mellanby.

Mais Geoff Molson avait déjà décidé de sacrifier Paul Wilson, trouvé trop proche de Marc Bergevin. On n’a pas écouté le vice-président avec les conséquences qu’on connaît.

Tout croche d’un bout à l’autre de la saga.

UN MICHAEL ROUSSEAU

Geoff Molson n’osera pas nommer Jeff Gorton président du secteur hockey. Gorton, un Américain, ne dit pas un traître mot de français. Mais il devient le vice-président hockey, en fait le vrai directeur général du Canadien ; il sera un autre Michael Rousseau, ce président d’Air Canada qui ne parle pas un mot de français. Quelle sinistre insulte ! Et quelle lâcheté.

On va donc embaucher un frog de service pour parler au peuple. Et aussi pour faire le travail « facile ». Mais on a tous compris que c’est Gorton qui aura le dernier mot quand les discussions seront corsées.

Au moins, le nouveau directeur général pourra se faire la main en attendant de devenir un vrai directeur général. J’ai hâte de voir qui va choisir le prochain patron du dépistage et quels seront les adjoints qui entoureront le mini-boss.

Le Canadien sera donc encore moins québécois qu’il ne l’était. Sam Pollock venait de Verdun, Serge Savard et Réjean Houle de l’Abitibi et les deux pouvaient parler au bon peuple.

Mais les fefans seront contents si Gorton est le moindrement potable. Pourvu qu’on gââââgne...

PAUL WILSON SACRIFIÉ

Paul Wilson, un brillant relationniste de carrière dans les grands bureaux et au Grand Prix du Canada, a été sacrifié.

Il était trop proche de Bergevin et comme dans Lance et compte, c’est parfois dangereux de trop avoir de scènes ensemble.

Lui aussi a été traité sans délicatesse. Il n’était pas le responsable de la terrible bourde du Centre Bell construit sur un territoire mohawk non cédé. En fait, il tentait de réparer des erreurs que d’autres commettaient.

Il revenait en voiture de la Floride avec une COVID-19 à déclarer aux douanes.

On l’a congédié avant qu’il ne soit même rentré au Canada.

Mais pour le connaître depuis trente ans, je sais que de grandes et belles entreprises vont se dépêcher d’aller le repêcher.

Lui, même Trevor Timmins n’arriverait pas à le rater au premier tour…

Quand même, quelle incroyable organisation ! Quelles passionnantes histoires qui ne se racontent pas…

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