Le Journal de Montréal

De la coke camouflée avec les fruits et les légumes

Ces chargements de victuailles servent de plus en plus souvent à importer la poudre blanche

ERIC THIBAULT, FÉLIX SÉGUIN ET MARC SANDRESCHI Bureau d’enquête

Les cargaisons de fruits et légumes provenant des pays du Sud à destination du Canada et du Québec sont de plus en plus souvent utilisées pour camoufler des exportations de drogues par le crime organisé.

C’est ce que croit l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), dont le personnel veille à contrer l’introduction illégale de stupéfiants au pays, dans un rapport interne produit en 2021 auquel notre Bureau d’enquête a eu accès.

L’ASFC prévoit même que ces envois de fruits et légumes frais seront « plus fréquemment utilisés pour dissimuler de la cocaïne, de la méthamphétamine et du fentanyl […] car les drogues peuvent être recouvertes de marchandises courantes, ce qui représente une caractéristique attrayante pour les groupes du crime organisé cherchant à passer en contrebande de grandes quantités avec un risque minime de détection ».

ALIMENTS PÉRISSABLES

Sans expliquer pourquoi, l’agence fédérale qualifie elle-même de « minimes » les chances de détecter des stupéfiants que les cartels sud-américains cachent à l’intérieur des palettes commerciales et des conteneurs d’aliments exportés au Canada, que ce soit par avion, par bateau ou par camion.

Le Service du renseignement criminel du Québec (SRCQ), qui partage de l’information stratégique avec tous les corps policiers québécois, en précise cependant la raison dans l’un de ses rapports consultés par notre Bureau d’enquête.

C’est parce que les cargos d’aliments périssables sont « dédouanés rapidement », de façon systématique ou presque, d’après le SRCQ.

Ainsi, ces marchandises destinées aux assiettes des Canadiens et des Québécois font l’objet de « peu ou pas de vérifications » par nos agents frontaliers.

À moins que ces derniers n’aient été alertés de la nature suspecte d’une cargaison ciblée, ce qui semble s’être produit plus souvent depuis la pandémie de COVID-19.

En 2020, alors que la frontière canadienne était fermée aux voyageurs, mais ouverte aux transports commerciaux essentiels, les agents fédéraux ont réalisé « la plupart » de leurs grosses saisies de drogue en fouillant des cargaisons de fruits et légumes exportés du Sud.

BIEN BRANCHÉS

Au Québec, plusieurs factions du crime organisé « facilitent les importations de stupéfiants » grâce aux « contacts » qu’ils entretiennent avec des entreprises légitimes du commerce des fruits et légumes, selon le SRCQ.

Ce dernier a notamment identifié des mafiosi du clan Rizzuto, ainsi que des criminels reliés aux Hells Angels, aux gangs de rue de Montréal et à la pègre libanaise.

Parmi eux, Georges Yaghmour, lié à la pègre libanaise, est soupçonné d’avoir fait entrer des kilos de cocaïne de l’Amérique du Sud « dissimulés dans des camions de transport de fruits et légumes » à destination de Montréal, Toronto et Vancouver.

En mars, ce Montréalais de 40 ans a d’ailleurs été condamné à purger 63 mois de pénitencier dans l’État du Vermont où il a été trouvé coupable d’avoir comploté une importation de 500 kilos de cocaïne destinée au Canada.

Les démêlés judiciaires de Yaghmour et de plusieurs autres importateurs québécois de coke sont relatés dans le nouveau livre de notre Bureau d’enquête, Narcos PQ, paru la semaine dernière.

LA UNE

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2022-09-27T07:00:00.0000000Z

2022-09-27T07:00:00.0000000Z

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