Le Journal de Montréal

Un siècle de radio francophone au Québec

Le 27 septembre 1922, la station de radio CKAC (pour Canada Kilocycle AmériqueCanada) entrait en ondes sur la célèbre fréquence 730 AM. Elle fût inaugurée officiellement le 2 octobre en présence des acteurs de cinéma Mary Pickford et

Douglas Fairbanks.

C’est la compagnie de l’inventeur

Guglielmo Marconi, qui s’était vu accorder le contrat d’installer une antenne de 30 mètres sur le toit de l’édifice de La Presse, ainsi qu’un poste émetteur de 2000 watts.

Il n’y avait alors qu’environ 2 000 postes récepteurs au Québec, la plupart vendus chers et en pièces détachées. Les récepteurs étaient donc réservés à un public nanti et bricoleur. Au courant des années 1920 et 1930, la radio francophone va cependant devenir une institution phare de

la culture québécoise et le poste récepteur va vite s’imposer au milieu du salon de chaque famille québécoise.

Dès le 4 octobre, CKAC transmet les résultats de la série mondiale de baseball de 1922, provoquant une véritable révolution en dévoilant les résultats d’un

match avant les journaux du lendemain. On y parle également de sports, de

météo, de spectacles, on écoute les discours politiques et Roger Baulu anime déjà les soirées électorales.

La musique est cependant prédominante. On diffuse des veillées « du bon vieux temps », portées par des artistes comme La Bolduc, Ovila Légaré ou Isidore Soucy mais aussi de la musique classique, dont celles du trio lyrique de Lionel Daunais et de La Bonne Chanson de l’abbé Gadbois. Tout le contenu était alors diffusé en direct, laissant donc une bonne part à l’improvisation. En 1930, CKAC a même

son propre orchestre symphonique.

Le radioroman permet ensuite à de nouveaux talents d’ici d’émerger dans un genre où tout était à inventer : animateurs, comédiens, bruiteurs, régisseurs, musiciens ou rédacteurs. Ce sont donc Le curé du village (1935), Zézette (1938), Nazaire et Barnabé, Rue des Pignons ou Un homme et son péché (1939) qui firent d’abord

carrière à la radio.

Durant la Seconde Guerre, la radio joue un rôle essentiel, permettant aux Québécois.es de recevoir des

nouvelles du front. Les années 1950 sont ensuite marquées par un autre phénomène radiophonique, Le chapelet en famille, prononcé par le cardinal Paul-Émile Léger.

L’arrivée de la télévision force ensuite la radio à s’adapter. Les stations vont donc miser davantage sur la musique populaire, celle des crooners et des orchestres de jazz, des artistes de la chanson française et bientôt celle des stars du Rock and roll. Elles ciblent aussi mieux les plages horaires du matin et de l’après-midi afin de captiver les ménagères et les automobilistes pris

dans les bouchons de circulation.

La radio francophone connait un regain de popularité lors de la crise d’Octobre 1970 alors qu’elle rapporte les nouvelles,

minute après minute, diffuse les communiqués du FLQ et joue même un rôle inédit d’intermédiaire entre les autorités et les felquistes. La vénérable station CKAC vit alors son dernier âge d’or avec des émissions telles que Les insolences d’un téléphone, Les Amateurs de sports et Le Festival de l’humour québécois, qui vont chacune chercher plus d’un million d’auditeurs.

Depuis un siècle, notre radio a permis un rayonnement remarquable de la culture d’ici. Encore aujourd’hui, elle partage

la vie des Québécois.es au quotidien. Depuis l’avènement des plateformes numériques, la radio francophone doit se

renouveler sans cesse pour rester dans la vie et les oreilles des Québécois.es.

BAnQ, P833,S1,D44 : C’est en direct de la salle de réception du scrutin, à l’hôtel de ville, que le poste CKAC a transmis à ses auditeurs de Montréal hier soir, les résultats des élections municipales (1940). Les auditeurs ont ainsi eu un compte rendu détaillé du scrutin au fur et à mesure que les résultats parvenaient à l’hôtel de ville. On peut y voir M. Roger Baulu, annonceur du poste, en train de donner des résultats au micro.

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